A suivre

Tendance : frénésie de consultations directes des citoyens

La démocratie représentative subit depuis des décennies une vaste crise de confiance. La consultation de la société civile organisée est démultipliée mais peu utilisée et peu analysée. Enfin, se développe une frénésie de consultations directes des citoyens y compris sur des projets de loi, mais hélas sans analyse profonde encore de leurs réalités et effets.

Chacune des évolutions démocratiques portent à réfléchir. Plusieurs lois ont poussé les assemblées de la démocratie dite représentative à se réformer après des décennies de crises de confiance et une forte désaffection lors de certaines élections. Une nouvelle réforme institutionnelle devrait poursuivre cette tendance.

De son côté, la consultation de la société civile organisée, perçue pendant des années comme accessoire, parfois concurrente du rôle des assemblées d'élus, a été démultipliée à travers nombre d'instances et de processus. Parfois sans maturité, ni cohérence. Leurs fonctionnements démocratiques sont également très disparates et seraient à analyser avec beaucoup plus de maturité sur les enjeux de gouvernance. La lecture de l'usage de leurs recommandations nées de la concertation entre acteurs ne leur est pas donnée, ce qui tend à dévaloriser leur utilité sociétale et politique. De plus, les travaux et avis sont trop peu utilisés par ceux qui les commanditent. Ce non usage conduit ainsi à s'interroger sur les instances, leur fonctionnement, leur gouvernance, leur composition, leurs coûts, leurs articulations ou redondances. Et ces instances sont souvent rendues responsables à tort d'une utilité/inutilié qui était bien en réalité à façonner par les pouvoirs publics plus conscients de la valeur politique des travaux, de la redevabilité et des relations entre acteurs qui en sont issus.

Enfin, nait progressivement, à la faveur de la crise de la première et du non usage de la deuxième, le voeu ou l'illusion parfois qu'une troisième forme démocratique pourrait les remplacer : la consultation directe quasi permanente. de plus en plus de politiques sans autre analyse tendent désormais à vouloir substituer la consultation directe des citoyens ne faisant la plupart du temps que juxtaposer des points de vue sans les faire converger. Mais sans peser sur les conséquences de l'affaiblissement ou la disparition des organisations qui oeuvrent pendant des années à créer des communautés, à fonder des propositions, les éprouver à l'aune du réel. Elargir les consultations répondaient légitimement à une volonté d'expression de certains citoyens. De nombreux projets ou textes sont devenus déjà objet de consultations en ligne ou conduites par l'autorité indépendante chargé du débat public. Nombre de prestataires nouveaux apparaissent, parés de "modernité" permettant avec de nouvelles conceptions informatiques des consultations de citoyens, dont certaines sur les projets de loi eux-mêmes. Toutefois les nouvelles prestations ne décodent pas davantage les chiffres des votes sollicités par mesures ou par idées, orientés par les plus organisés ou les plus volontaires, mais sans valeur réelle de représentativité ni aucune garantie de participation élargie de "citoyens" qui n'appartiendraient pas à des organisations déjà constituées ou issus de lobbies, et n'apportent pas plus d'éléments d'analyse in fine sur leurs usages.

L'analyse des contenus proposés, ajoutés, de leurs dépouillements, des participants réels, individus, organisations ou lobbyistes, leurs effets sur les acteurs de la société civile organisée, ou sur les textes finaux, la nature des réponses apportées, par qui et avec quels critères....  n'a pas été encore faite à grande échelle. Ni par ceux qui commanditent, ni par ceux qui créent le service, ni par ceux qui participent, ni par les sciences politiques. 

Un enjeu de gouvernance au XXIème siècle, à suivre.

 

Pour aller plus loin
Consultations sur propositions de loi. Le site annonce "des consultations organisées par des parlementaires qui souhaitent associer les citoyens à la rédaction de leur proposition de loi. Une fois la consultation terminée, une synthèse des contributions est publiée sur le site et un débat est organisé avec le parlementaire. À l'issue du processus les parlementaires sont invités à présenter la proposition de loi qu'ils ont déposé à l'Assemblée nationale ou au Sénat." De 100/200 à 500/1500 participants. 9334 pour le projet de loi sur la biodiversité.
Pétitions législatives "Les députés et les sénateurs membres de Parlement & Citoyens s’engagent à répondre à votre proposition lorsqu’elle obtient 5000 votes"
Consultation par l'Assemblée nationale : "une consultation citoyenne sur la manière de promouvoir la participation citoyenne dans la vie politique"
Consultation citoyenne par le CESE : qui souhaite à travers une plateforme "recueillir l’expression citoyenne, la traduir dans ses travaux et la porter auprès des pouvoirs publics."
Convention citoyenne pour le climat : 150 citoyens tirés au sort appelés à déterminer seuls les mesures utiles à une politique climatique
Consultations par le Sénat : par "blogs, soumis à modération, lieux de discussion et de débat ouverts à tous; par des questionnaires faisant appel aux témoignages et analyses des citoyens; par des formulaires de contribution ; par d'autres formes de participation : forums, soumis à modération, avec synthèse hebdomadaire des interventions ; consultations par messagerie."
Consultations directes du Ministère de la transition écologique et solidaire