Débat

Entreprises à mission, comité de mission, raison d'être : un changement de gouvernance dans l'entreprise ?

Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) a ouvert un débat sur une part des finalités des entreprises et de leur gouvernance. La loi adoptée crée les "entreprises à mission" et la "raison d'être". Enfin, un "Comité de mission" est associé au suivi de l'exécution des objectifs sociaux et environnementaux vérifié par un tiers indépendant.

Depuis de nombreuses années, la conscience des conséquences dans la société et sur l'environnement des activités des entreprises progresse. Elle a amené à élargir la notion de parties prenantes ou acteurs impliqués, concernés, impactés par les décisions de l'entreprise. Mais si la notion de parties prenantes s'est ouverte, le Code civil limite l'intérêt des entreprises au bénéfice et à celui des associés : "Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés." Et précise l'orientation : "La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter."

Pourtant la liste de tous les sujets qui habitent l'actualité quotidienne depuis des années pose nécessairement de très nombreuses et vives questions aux parties prenantes comme aux pouvoirs publics. Posées in fine aux entreprises. De trop nombreux problèmes ont amené à constater au fil des années que suivre leurs intérêts propres, pour certaines entreprises, les ont amenées aussi à complètement s'écarter d'un intérêt partageable avec la société : évitements fiscaux, emplois sacrifiés devenus variable d'ajustement financière, conséquences sur l'environnement ou sur la santé, parfois irréversibles, lobbying des intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général, relations de force avec les tiers, tromperies sur les performances réelles, etc. 

Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) a ouvert un débat en soumettant de nouvelles notions à une consultation publique. Notamment : 

  • "Ouvrir la possibilité aux entrepreneurs qui le souhaitent d’adopter un objet social élargi"
  • "Réfléchir à la création d’un statut d’entreprise à mission, c'est-à-dire d’entreprises constituées par des associés qui stipulent, dans leur contrat de société, une mission sociale, scientifique ou environnementale qu’ils assignent à leur société en plus de leur objectif de profit, qui perdurerait."
  • "Renforcer l’égalité femmes-hommes dans la gouvernance et les fonctions de direction des entreprises" ou "Garantir la parité dans les Conseils d'administration"
  • "Ouvrir la gouvernance des entreprises aux parties prenantes" ou "Installer des conseils de parties prenantes".

Une nouvelle loi en 2019 : "entreprises à mission", "raison d'être", "comité de mission"

Une nouvelle loi a finalement vu le jour en mai 2019, inventant les "entreprises à mission" et de nouvelles formulations de la raison d'être. Elle crée également un "comité de mission".

L'Article 169 indique notamment que :

« La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. » ; « Les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité. » ;

L'Article 176 indique notamment que :

"Une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque les conditions suivantes sont respectées :

«  Ses statuts précisent une raison d’être, au sens de l’article 1835 du code civil ;

« Ses statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ;

« Ses statuts précisent les modalités du suivi de l’exécution de la mission mentionnée au 2o. Ces modalités prévoient qu’un comité de mission, distinct des organes sociaux prévus par le présent livre et devant comporter au moins un salarié, est chargé exclusivement de ce suivi et présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion, mentionné à l’article L. 232-1 du présent code, à l’assemblée chargée de l’approbation des comptes de la société. Ce comité procède à toute vérification qu’il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l’exécution de la mission ;

« L’exécution des objectifs sociaux et environnementaux mentionnés au 2o fait l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant, selon des modalités et une publicité définies par décret en Conseil d’Etat. Cette vérification donne lieu à un avis joint au rapport mentionné au 3o ;

« La société déclare sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce, qui la publie, sous réserve de la conformité de ses statuts aux conditions mentionnées aux 1o à 3o, au registre du commerce et des sociétés, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’Etat.

En savoir plus :

La Loi PACTE ou LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises
La consultation publique sur le Pacte
Voir également différentes tribunes parues dans le Monde
Consulter le rapport Notat-Sénard commandé par le ministre de l’Économie et des Finances, le ministre de la Transition écologique et solidaire, la ministre du Travail et la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, remis le 9 mars, résultats de la mission « Entreprise et intérêt général ».